L’île de Pâques et son mystère. Cette île a toujours été entourée de questions.
Va Jouer Ailleurs fait la lumière. Avec l’aide et l’expertise de Lili, son guide. Lili est une française installée depuis 28 ans à l’île de Pâques. Elle a épousé un pascuan et elle en connait un rayon.
On peut résumer le mystère de l’île de Pâques en 5 questions.
D’où viennent les habitants de l’île, les pascuans ?
Comment ils sont arrivés jusqu’ici ?
Qu’est-ce que représentent leurs statues ?
Comment ils faisaient pour les transporter ?
Pourquoi les statues étaient toutes à terre lorsque les navigateurs européens sont arrivés ?
(ou comment expliquer le déclin de cette civilisation ?)
1. D’où viennent les pascuans ?
Les théories qui s’affrontent ou plutôt se sont affrontées sont au nombreux de 3. La théorie la plus folle affirmait que l’île de Pâques était la partie émergée d’un continent englouti. Appelé le Atlantide si ça vous chante. Ainsi les Pascuans viendraient de nulle part. Ils auraient toujours été ici. Cette théorie est romantique mais une étude des fonds marins ou des plaques de la croute terrestre a cassé depuis longtemps cette idée de continent englouti.
Une théorie plus plausible veut que les pascuans viennent d’Amérique du Sud. Pas con comme idée quand on regarde une carte. L’île de Pâques est plus propre du Chili que du reste de la Polynésie. Qui plus est, on retrouve sur l’île une plante, le taro, originaire d’Amérique du Sud. Un historien a même été jusqu’à effectuer un voyage dans les conditions de l’époque depuis le continent jusqu’à une île de Polynésie pour prouver son propos. Cependant, les linguistes sont formels : les pascuans parlent une langue originaire d’Asie.
Les Pascuans et l’ensemble des Polynésiens sont donc asiatiques. Parti de l’Asie il y a plus de 2000 ans, ils ont d’abord progressé vers la Papouasie. Là ils se sont métissés au contact des Papous, peuple à la peau noire. Puis les années ont changé peu à peu ces asiatiques en polynésien. Quand je suis arrivé à Tahiti j’ai été surpris de voir des gens grands et hyper baraqués. Or l’asiatique est plutôt de petite taille. On me rétorque à juste titre qu’il y a en chine plusieurs peuples de grandes tailles.
D’après l’histoire locale, un roi polynésien aurait perdu la guerre et comme il était de coutume à l’époque, il était contraint d’abandonner son île. Il a envoyé ses 7 fils dans différentes directions afin de trouver une nouvelle île. Un des fils a atterri à l’ile de Pâques et il est revenu chercher toute sa famille après. Cela date d´environ 900 ans après JC.
Quid du taro me direz-vous ? Il est prouvé que les polynésiens ont accosté sur le continent américain. De là, le taro a été ramené en Polynésie et les pascuans en ont embarqué avec eux quand ils ont quitté leur île perdue à la guerre.
Les pascuans viennent de Polynésie qui a été peuplée par des asiatiques.
2. Comment sont-ils arrivés jusqu’ici ?
Ici les théories sont toutes d’accord pour dire qu’ils ont utilisé le bateau. En revanche quelques explications ne sont pas superflues pour comprendre comment parcourir 4000 km avec une pirogue.
Les polynésiens sont de grands marins. Tous les navigateurs du XVIIIème qui ont accosté en Polynésie le reconnaissent. Ils naviguaient sur des grandes pirogues à 2 flotteurs (un catamaran en d’autre sorte) et la capacité de ces bateaux pouvaient monter à 60 personnes.
Comme Bougainville et compagnie, ils utilisent les étoiles pour se diriger. Mais à la différence de Bougainville et consorts, ils n’utilisent presque que ça. Ils ont ensuite deux trois autres trucs et astuces. Par exemple lorsque le roi envoie ses 7 fils rechercher une île, il convenait disons de prendre une direction pendant 2 lunes. Après les 2 lunes, on rentre à la maison. Pour cela ils emmenaient 2 tortues avec eux. La tortue revient toujours à son endroit de naissance. Ils mettaient une tortue à l’eau et ensuite ils la suivaient. Une autre technique consiste à emmener un cochon. Ce dernier est un bon nageur et il a un odorat très développé. Lorsque vous le mettez à l’eau, il se dirige vers la terre la plus proche.
Et l’eau ? Il doit en falloir des litres d’eau douce pour parcourir des milliers de kilomètres sur l’océan. Ils prenaient des réserves d’eau douce, bien sûr. Ils récupéraient l’eau de pluie, ça semble évident. Sinon, ils devaient faire comme les marins en manque d’eau douce : cuisiner à l’eau salée. Une soupe à l’eau salée, ça passe. En plus en prenant l’eau à quelques mètres de profondeur et pas à la surface, l’eau est moins salée. Dernier truc pour survivre sur votre radeaux si un jour votre avion s’écrase en mer : suçoter le bulbe rachidien du thon. Ce dernier contient de l’eau. Sur un thon de 50km, le bulbe rachidien contient un demi-litre.
Pour la nourriture, on se fait moins de soucis. La pêche et les polynésiens font qu’un.
La dernière chose pour arriver en vie sur une ile perdue au milieu de l’océan Pacifique, c’est une bonne dose de chance. On parle en effet de ceux qui ont réussi mais il est certain que de nombreux polynésiens sont morts en mer à cause de tempêtes, de manques d’eau ou de nourritures.
Les polynésiens sont arrivés sur l’île de Pâques grâce à leurs talents de marins et leur connaissance des étoiles.
3.Qu’est-ce que représentent les moais, leurs statues ?
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Big Brother is watching you |
Il ne s’agit pas de dieux mais de sépultures. Mesurant de 2 à 10 m, les moais sont faits en tuf volcanique taillé avec du basalte, une roche plus dure. Ils sont recouverts d’une coiffe rouge.
L’île est divisée en tribus ou clans. Le chef partage son territoire en autant de fils qu’il a. Ainsi au fil des siècles, les clans se sont multipliés. Il y en a eu jusqu’à 250 dont la taille variaient entre 50 ou 100 âmes.
Durant la vie du chef de clan, ses administrés construisent une statue en pierre qu’ils extraient du volcan sacré aujourd’hui appelé carrière. Ils travaillent en fonction des récoltes. Si le chef de clan peut nourrir des ouvriers, ceux-ci taillent la pierre. Dès qu’il ne peut plus, les ouvriers retournent à leurs jardins. Une fois terminée la statue attend à la carrière.
Lorsque le chef de clan meurt, la statue est transportée au village et installé sur un ahu, lieu de sépulture. A ce moment-là on rajoute les yeux en corail blanc et la coiffe rouge. Le moai symbolise ainsi que le chef n’est pas mort, que son esprit continue de vivre et que sa force, la mana, nourrit le clan. Le moai regarde le village ainsi personne ne peut passer à côté de ce chef qui vous surveille et vous protège. Le corail placé dans l’orbite de l’œil donne l’impression que la statue est effectivement vivante. La coiffe rouge représente les cheveux que l’aristocratie teignait en rouge. C’est donc une manière de rappeler l’autorité du chef de clan.
La représentation du moai est très proche des tikis que l’on trouve dans le reste de la Polynésie. Habituellement dessiné sur le tapa (une espèce de papier faite à partie de l’arbre à pain) ou sculpté sur du bois, le tiki a été ici transposé sur la pierre et les dimensions sont allés en croissant.
On peut se demander pourquoi seuls les pascuans ont développé ce culte. Tout est affaire d’isolement et de désolation. Il faut bien comprendre que la vie sur l’île de Pâques n’était pas facile, beaucoup plus difficile que dans les îles de la Polynésie française. Le climat est plus difficile, les récoltes moins abondantes et le plancton étant moins présent, il y a moins de poissons.
Ces conditions difficiles ont été le terreau pour le développement d’un culte. Pour Lili, il suffit de voir où sont nés les grandes religions pour comprendre. Elles sont toutes nées dans des endroits désertiques. Je ne m’engage pas plus loin dans cette voie.
En résumé et en bref, le moai est une sépulture.
4. Comment étaient transportées ces statues ?
Il est de coutume de croire que c’est la quantité importante de bois nécessaire au transport des moais qui a entraîné la chute de cette civilisation. A priori, cela est faux. Pour les raisons de la chute de la civilisation, il faudra attendre le prochain point (si vous ne pouvez pas attendre, vous pouvez y aller tout de suite). Mais même la théorie qui veut qu’il faille beaucoup de bois pour le transport n’est pas fondée.
Le bon sens voudrait que les moais aient été transporté sur le dos ou sur le ventre. En plaçant des rondins de bois sous le moais on imagine très bien pouvoir le faire rouler. Je rappelle que les pascuans n’avaient pas la roue. Cette théorie est contraire au dire des pascuans qui ont toujours raconté que les moais allaient sur le ahu (lieu de sépulture) en marchant et en dansant porté par la mana (force). Il y a quelques années, un archéologue a pris les pascuans au sérieux et a imaginé que les moais étaient transporté debout. Il a donc fait le test avec une statue et 20 hommes. Il a réussi à transporter une statue sur 500m en 1h30. Les pascuans utilisaient tout simplement la technique de « comment déplacer un frigo tout seul ?». Mais si vous voyez. Vous basculez le frigo pour le faire pivoter. Vous avez gagné 5 cm d’un côté et puis vous répétez l’opération de l’autre côté.
Cette méthode de transport debout est en accord avec la tradition orale pascuane et elle semble en adéquation avec l’idée que l’esprit du chef de clan continue de vivre. Un moai couché symboliserait trop un mort.
Les moais étaient transportés debout avec la méthode dite du frigo
5. Pourquoi les statues étaient toutes à terre lorsque les navigateurs européens sont arrivés ?
Comment expliquer le déclin de la civilisation pascuane ?
La réponse n’est pas très originale. Vous connaissez le coup du tiers état qui se rebelle face au roi et à la noblesse. C’est aussi l’histoire de l’île de Pâques.
Dans une société injuste, tout va bien tant que tout le monde mange à sa faim. Il est très vraisemblable que el nino a dû rehausser de quelques degrés la température entrainant une sécheresse et par conséquent une mauvaise récolte. Quelques degrés en plus dans la mer signifie plus d’algues et moins de poissons. Bref, les pascuans ont eu faim et ils se sont révoltés contre le pouvoir en place. Ils ont fait tomber ces statues. Un demi-siècle de troubles ont suivi sur l’ile. Vol de récoltes, conflits entre tribus, incendies. Ces derniers, le besoin de bois pour les pirogues, le transport des moais, le chauffage, la crémation et les rats qui mangent les graines empêchant la reproduction des arbres, tous ces facteurs ont entrainé la disparition de la forêt. En l’absence de forêt, les pluies ont emporté les bonnes terres. Ce qui a dû entrainer d’autres mauvaises récoltes et donc des difficultés pour sortir de ce mauvais cycle. La population autrefois de 10 000 à 15 000 individus a alors chuté entre 2 000 à 4 000 individus.
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tout ça pour une omelette |
La paix est revenue grâce au culte de l’homme oiseau. Tous les ans, les clans s’affrontaient au travers d’une compétition. Le clan qui remporte la compétition gagne le doit de répartir les récoltes et de fixer les tabus, interdit liés à un lieu ou interdiction de pêcher à tel endroit ou de récolter tel fruit.
Chaque clans pouvaient proposer jusqu’à 4 candidats. Le candidat devait descendre une falaise, nager jusqu’à un motu (un ilot), trouver un œuf de sterne et le ramener sur l’ile. Le premier qui ramène un œuf a gagné. Vu la falaise et la distance du motu, la compétition ne devait pas être coton.
Cette histoire de révolte a certes mis à mal la civilisation pascuane mais ce sont les péruviens qui ont achevé cette civilisation en déportant plus de 1000 personnes pour les faire travailler en tant qu’esclaves sur les iles à guano. Seules quelques personnes n’ont pas été emmenées et une poignée est revenue. De sorte, qu’après cette tragédie il restait 111 pascuans. Comme vous l’imaginez, la mémoire pascuane a été amputée. Une écriture pascuane connue uniquement par quelques personnes a ainsi été perdue. Il existe, en effet, quelques centaines de tablettes écrites dans une langue inventée par l’élite pascuane. Plus personne ne sait lire cette écriture et faute de pierre de rosette nul ne sait ce que racontent ces tablettes appelées rongorongo.
Une révolte contre les chefs de clans et la mise en esclavage ont sonné la fin de cette civilisation.
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mouais |
Passionnante et belle. Telle est l’île de Pâques.
Martin